Durant les premiers jours de cette semaine qui vient de s’écouler, c’était l’occasion pour « La Vanille des Pyrénées » et moi même d’un petit détour par le Béarn et la Haute Soule (qu’on appelle en basque « Basabürüa »). La deuxième journée nous a permis, à tous les deux, de participer à une journée FORMATION sur un petit mammifère de l’ordre des « Soricomorphes » et de la famille des « Talpidés ». Vous y êtes toujours pas! C’est peut être normal, ce mammifère inféodé au milieu aquatique et à un très petit territoire à l’échelle du continent européen, n’a été découvert qu’au début du 19ème siècle (1811 exactement) par un scientifique et naturaliste français, dénommé Étienne Geoffroy de Saint Hilaire.

Et si je vous disais « DESMAN DES PYRÉNÉES » ou encore le « RAT TROMPETTE« !

LE DESMAN DES PYRÉNÉES

Abordons un peu son « pedigree », de façon très généraliste!

Quelques données chiffrées: concernant sa taille, elle varie entre 23 et 27 cm pour un spécimen adulte (avec la queue, qui a elle seule mesure entre 11 et 16 cm). Son poids est compris entre 50 et 70g, et une espérance de vie de 2 à 4 ans maximum. Le pic de son activité est au plus haut durant la nuit, même si il peut être actif aussi en période diurne. Nous avons là, les 1ers éléments de réponse de sa  FURTIVITÉ et de sa RARETÉ!

Il n’est présent que dans le Nord du Portugal, le Nord et le Nord-Ouest de l’Espagne, sur les deux versants des Pyrénées et en pays Andorran. Si nous remontons à la moitié du 19ème, ce petit territoire que nous évoquons ci-dessous était beaucoup plus homogène et moins parcellisé que ce qu’il est aujourd’hui. Les cartes consultables sur le site du Conservatoire d’Espaces Naturels (CEN) de Midi Pyrénées démontrent bien la rapide fragmentation de ce dernier durant ces dernières décennies. C’est surtout vers la fin du 19ème siècle, avec le développement de l’hydroélectricité, notamment en zone montagneuse que la morcelisation de son territoire de prédilection va s’accentuer, et de ce fait, avoir un impact considérable sur le déclin de ses populations.

AIRE DE RÉPARTITION DU DESMAN À L’ÉCHELLE CONTINENTALE (Données d’A. Bertrand de 2008)

Sa présence avérée, pour le versant Nord des Pyrénées, se définit en trois noyaux de population que nous pouvons classer par ordre de grandeur également. Les meilleures indices de présence de l’espèce, même si ces derniers sont très faibles et non chiffrées, sont recensés sur les Pyrénées Orientales, les Pyrénées Centrales (surtout en Ariège) et pour le 3ème, dans les Pyrénées Atlantiques. La 2ème carte ci-dessous nous montre bien où il est présent sur le versant Nord et les deux couleurs (noires et grises) témoignent des localités où les indices de sa présence sont les plus marquées. En noir, les localités où il était présent et l’est toujours actuellement, et en gris celles où sa présence avait été relevée par le passé mais les dernières inspections ou remontées d’information ne mentionnent malheureusement plus sa présence. Nous avons pensé qu’il était judicieux de vous parler également des limites altitudinales qui ont été relevées, pour ce petit mammifère semi-aquatique: la plus haute, à 2700m (au pied du Pic de Serrère en Ariège) dans les Pyrénées Centrales. Quant aux données minimales en limite « EST », de 360m dans les Pyrénées Orientales et de 80m en limite « OUEST » dans les Pyrénées Atlantiques. Celles-ci peut avoir son importance demain en montagne si vous découvrez des indices de sa présence ou que vous avez la CHANCE de pouvoir l’observer. Sachez avant tout que vous pourrez alors vous considérer comme des privilégiés car ces moments sont rares le concernant. Actif toute l’année, c’est quand même durant la nuit que les pics des relevés de radiopistage du CEN Midi Pyrénées, sur des individus capturés à cet effet et équipés d’émetteurs ont été les plus marqués! Sa petitesse et sa furtivité viennent compléter les raisons des faibles observations constatées.

MAQUETTE DE DESMAN ÉQUIPÉE DE L’ÉMETTEUR DE RADIOPISTAGE

 

CARTE ILLUSTRATIVE DE LA PRÉSENCE DU DESMAN SUR LE VERSANT FRANÇAIS

Concernant ses capacités aquatiques et les raisons de son adaptation morphologique à ce milieu spécifique, les données suivantes vont vous apporter quelques éléments. Le Desman est semi-aquatique, pour faire simple, il est inféodé à ce milieu de par la nécessité pour lui d’y trouver sa nourriture. C’est un insectivore strict, il se nourrit donc d’invertébrés aquatiques qu’on peut retrouver dans ses 3 groupes: les TRICHOPTÈRES, les ÉPHÉMEROPTÈRES et les PLÉCOPTÈRES. Cette grande famille d’invertébrés aquatiques est parfois très sujette à la qualité de l’eau, d’où l’impact direct lorsque les cours d’eau subissent la moindre pollution ou des dérangements influençant la santé et les chiffres de leurs populations (lâchers des barrages, variation du niveau du cours d’eau, fréquentation du cours d’eau…).

DESSINS DE LARVES DE TRICHOPTÈRES

Il est muni d’autres attributs qu’il a su développer pour parfaire son évolution dans ce milieu spécifique »:

  • Des pattes postérieures PUISSANTES, PALMÉES et munies de GRIFFES, lui permettant de se déplacer aisément, à contre courant pour trouver sa nourriture, s’accrocher aux cailloux ou encore dépiauter parfois ses proies (contrairement à sa cousine la taupe qui a priorisé ses meilleures aptitudes sur les pattes antérieures afin de fouiller ses galeries).
  • Une DOUBLE COUCHE de POILS IMPERMÉABLES, lui permettant d’effectuer ses plongées (pouvant s’échelonner d’une trentaine de secondes à 1mn) dans ces eaux torrentielles et froides des rivières et lacs de montagne et par toute saison!
  • Une TROMPE mobile et préhensible dotée d’organes sensoriels qui constituent les excellentes qualités de son sens le plus développé, le « toucher ». Cet attribut lui permet également de prolonger ses apnées lorsqu’il l’utilise comme tuba!

À contrario, il possède une faible vue et ses tout petits yeux sont en concordance avec cet attrait morphologique. Quant à son odorat, les scientifiques du CEN n’ont pu encore obtenir de données concrètes!

MAQUETTE DU DESMAN

Pour conclure ce petit article, nous avons pensé judicieux d’aborder les MENACES et les ENJEUX en lien étroit avec l’espèce. Nous vous en présentons quelques-uns ici, qu’il était IMPORTANT de vous en faire part pour que vous aussi demain lors de vos balades en montagne ou sur le Piémont pyrénéen, vous puissiez participer à la sauvegarde de l’espèce par des petits gestes, un brin de communication auprès de vos enfants, de vos familles, de vos amis…

  • LA PÊCHE: le piétinement des berges notamment en période de forte affluence le long des cours d’eau et lors de l’ouverture de celle-ci, entraînent une perturbation de son habitat. La possibilité qu’il soit happé par hameçon  est un fait déjà constaté car les appâts de la pêche à la mouche constituent sa nourriture de prédilection. Les déchets tels que les fils de pêche par exemple, peuvent malheureusement entrainer son trépas lorsque le desman est pris dedans et qu’il ne peut s’en défaire.
  • LES ACTIVITÉS EN LIEN AVEC L’HYDROÉLECTRICITÉ: les lâchers d’eau, les vidanges des barrages, la construction de ces édifices… ont des impacts très notables sur l’espèce. On peut citer  par exemple, les déplacements importants du fond du lit de la rivière et de ce fait de leur nourriture, les lâchers des eaux stagnantes des retenues, la variation du niveau de l’eau ne sont pas sans conséquences sur la santé de l’espèce, la présence de nourriture sur son lieu de vie, la connexion des différentes populations…
  • LES POLLUTIONS CHIMIQUES: les rejets agricoles par le ruissellement des eaux, la contamination des eaux par l’homme ou le bétail lorsque nous passons dans les cours d’eau… peuvent également représenter une menace pour le Desman des Pyrénées.
  • L’EXPLOITATION FORESTIÈRE: Le transport par des engins lourds, leurs passages ou leurs travaux dans les cours d’eau ne sont pas sans effets sur son habitat (détérioration du milieu de vie, colmatage de celui-ci par les boues…).
  • LA PRÉDATION: Le « Vison d’Amérique » qui a  été introduit dans ce coin d’Europe, remonte les cours d’eau en altitude et constitue un prédateur pour l’espèce. Les chats domestiques lorsqu’ils sont présents aux abords des cours d’eau où le Desman est recensé,  représentent une menace avérée. Ces derniers, nourris par l’homme peuvent patienter de longs moments sur des sites où ils ont constaté sa présence. La Loutre et le Vison d’Europe constituent également des prédateurs, le 1er a un régime alimentaire plutôt piscicole mais reste opportuniste et quant au 2ème, ses faibles chiffres restent un indicateur rassurant sur la menace potentielle dont il peut en faire l’objet.
  • Les ACTIVITÉS NAUTIQUES: Le rafting, le kayak, la randonnée aquatique, le canyon…ont malheureusement des effets sur leur habitat (détérioration du milieu, présence de sa nourriture sur les endroits très piétinés ou raclés…).

Nous pourrions encore énumérer d’autres facteurs ayant un impact sur l’espèce, tels que l’exploitation des carrières, l’irrigation,… Le message que nous souhaitions faire passer ici, au travers de ces quelques écrits, était de faire connaître ce petit animal ENDÉMIQUE des Pyrénées et sensibiliser chacun d’entre vous sur notre impact par toutes nos activités quelles qu’elles soient sur son milieu et la pérennité de l’espèce.

Merci aux différents intervenants de la CEN Midi Pyrénées pour cette formation. Sachez également que la 4ème « Caravane du Desman » et sa roulotte déambulera sur les routes entre Sainte Engrâce et Oloron Sainte Marie du 22 au 26 mai 2019 afin de communiquer sur le Desman des Pyrénées.Si Vous êtes sur sa route, ou elle sur la vôtre ces jours là! N’hésitez surtout pas pour aller partager ou échanger sur notre petit camarade!!

Vanilleusement,